 |
Rabindranath Tagore. |
|
|
(La corbeille
de fruits)
Toujours, tu te tiens solitaire par
delà les ondes de mes chants.
Les vagues de mes harmonies baignent tes pieds,
mais je ne sais comment les atteindre.
Et ce que je joue pour toi est une musique trop lointaine.
C'est la douleur de la séparation qui s'est faite
mélodie : elle chante par ma flûte.
Et j'attends l'heure où ta barque traversera l'eau
jusqu'à mon rivage,
et où tu prendras ma flûte dans tes mains.
Écoute,
mon coeur ; dans cette flûte chante
la musique
du parfum des fleurs sauvages,
des feuilles
étincelantes et de l'eau qui brille;
La musique
d'ombres sonores, d'un bruit d'ailes
et d'abeilles.
La flûte
a ravi son sourire des lèvres
de mon
ami et le répand sur sa vie.
Cet amour
entre nous n'est point un simple
badinage,
mon aimé.
Encore
et encore les nuits rugissantes
des tempêtes
se sont abattues sur moi,
éteignant
ma lumière ;
des doutes
noirs se sont amassés, effaçant toutes les étoiles
de mon ciel. Encore et encore les
digues ont été rompues, laissant les flots balayer
mes moissons, et
les plaintes
et le désepoir ont déchiré mon
ciel de
part en part.
Et j'ai
appris que dans votre amour,
il y a
des coups douloureux, mais jamais
l'apathie
glacée de la mort.
('Gitanjali'
: L'offrande Lyrique)
Laisse
subsister ce peu de moi par quoi,
je puisse
te nommer mon tout.
Laisse
subister ce peu de ma volonté par
quoi je
puisse te sentir de tous cotés,
et venir
à toi en toutes choses, et t'offrir
mon amour
à tout moment.
Laisse
seulement subsister ce peu de moi
par quoi
je puisse jamais te cacher.
Laisse
seulement cette petite attache
subsister
par quoi je suis relié à ta volonté,
et par
où ton dessein se transmet dans ma vie : c'est l'attache
de ton amour.
Tagore - Inde (1861-1941)
|